« Nous n’abandonnerons pas »

« Quoiqu’il arrive, nous n’abandonnerons pas. » Depuis-la mi-2015, le Burkina Faso est en proie à la violence armée organisée. En 8 ans, le conflit a fait plus de 12 000 morts et déplacé plus de deux millions de personnes. Initialement localisé dans le nord du pays, les violences se sont peu à peu déplacées vers les autres regions, concernant désormais l’ensemble du pays. La region de l’Est, frontalière avec le Niger et le Bénin est particulièrement touché par cette propagation de la violence. Malgré la menace sécuritaire, des organisations de la société civile continue à fournir leur appui aux populations. Abdoulaye regarde la ville s’éveiller, écoute les premiers bruits quotidiens, sourit à un groupe d’enfants. Il rejoint tranquillement le bureau de son organisation pour assurer la continuité des projets en cours. De nouveaux événements sont venus modifier les opérations d’infrastructures qu’il devait appuyer pour un groupement de femmes, dans une commune isolée. Cette commune, il la connaît bien, il y est né et a toujours voulu pouvoir contribuer à son développement. Mais les événements ont contrarié ses projets. « J’ai vraiment voulu pouvoir travailler dans la province qui m’a vu naitre et où je ne peux plus travailler. » explique-t-il. Pour l’instant, il est basé bien plus au Sud, à Fada N’Gourma, chef-lieu de la province du Gourma et de la région de l’Est. En août 2015, au nord du pays, une première attaque contre un gendarme annonce la propagation de la violence djihadiste qui secoue le Mali voisin depuis quelques années. Rapidement, le Burkina Faso devient un terrain sanglant d’attaques contre les forces de sécurité Burkinabè et les représentants de l’État, puis, de plus en plus, contre des civils, obligeant plus de deux millions de personnes à fuir leur terre et leurs villages, sur une population totale de 20 millions d’habitants. Initialement parties du nord du pays, les violences ne tardent pas à se répandre dans les autres régions, notamment dans la région de l’Est, qui voit la violence s’accroître chaque année un peu plus. Aux embuscades et assassinats ciblés succèdent parfois les ordres de quitter le village, le tout sur un fond de suspicion partagée par tous les acteurs du conflit, chacun accusant des villageois de soutenir d’une manière ou d’une autre le camp opposé. Les civils deviennent ainsi la principale victime de ces violences, dans une région longtemps délaissée par l’État et où la population est depuis longtemps particulièrement affectée par la pauvreté et l’absence de services de base.   [Comme beaucoup d’autres, Abdoulaye travaille pour une de ces organisations qui intervient dans ce contexte pour poursuivre les actions de développement, qui de plus en plus se mélangent à l’action humanitaire. La situation sécuritaire apporte pourtant son lot de contraites, des plus quotidiennes au plus stratégiques, et conduisent chacune de ces organisations, selon son domaine d’action, sa mission et ses ressources a réinventer chaque jour ses modalités d’action pour poursuivre, malgré tout. Intervenant sur plusieurs projets dans plusieurs communes de la région, Abdoulaye a vu progressivement son périmètre d’intervention se réduire. Parti en direction d’un village où il devait s’assurer de la bonne marche des travaux en cours, il fait l’objet d’un contrôle irrégulier. Bien que la couleur de la moto utilisée puisse prêter à confusion, le fait de travailler pour une ONG et non pour un service de l’État lui permet de repartir, seulement dépouillé de son appareil photo et de ce qu’il avait sur lui. Il poursuit «  J’ai été victime en partant sur le terrain mais je suis reparti. Une fois, le bus que j’empruntais a été arrêté, quelqu’un est monté, et m’a repéré, c’était la même personne qui m’avait dépouillé, en disant « tiens, tiens, donc tu passes toujours sur l’axe ». Depuis ça, je ne suis plus allé sur le terrain. ». Si les contrôles et intimidations sont nombreux, leur résolution peut être plus dramatique que ce qu’a vécu Abdoulaye. En 2021, un superviseur a été enlevé pour être relâché peu après. Assez choqué par ce qu’il avait pu vivre, lui non plus n’est pas reparti dans sa zone d’action et suit toujours les projets, mais à distance, à partir de Fada N’Gourma où il a été délocalisé. Fin novembre 2022, un autre collègue a été enlevé. Sa structure et sa famille sont toujours sans nouvelles de lui. Salimata, elle aussi, s’est trouvée face à des hommes armés lors d’une de ses missions en brousse. « C’était dans la Dapoa, j’étais vers la frontière en train de tracer une piste à bétail et je suis tombée sur eux, ils étaient en train de prêcher. Ils m’ont dit qu’ils ne veulent plus voir des femmes sans se couvrir. J’ai adopté le comportement qu’ils ont demandé. ». Si Salimata, musulmane, n’a pas vécu cette demande comme une contrainte personnelle mais comme une sensibilisation religieuse acceptable, elle confie que la situation a modifié ses façons d’agir dans ses activités. Le risque en tant que femme de conduire elle-même une moto étant trop grand, il lui fallait se déplacer systématiquement derrière un homme qui conduisait la moto. Arrivée sur place, les lieux de réunions devaient être plus cachés qu’ils ne l’étaient auparavant. « Avant on organisait nos réunions communautaires dans nos sites, dans les villages et aujourd’hui on est obligé de faire nos réunions dans des salles de réunions pour ne pas s’exposer en brousse, à cause de l’insécurité. ». Les populations appuyées par ces organisations de développement font tout ce qu’elles peuvent pour les voir rester. Salimata raconte : « Un bénéficiaire est venu un jour pour me dire que je n’étais plus en sécurité dans les auberges parce que les groupes armés, quand ils viennent, ils fouillent les auberges pour voir qui est là bas, et ils pensent que quand tu loges là bas tu es une grande personnalité. Et il m’a dit « j’en ai parlé à la famille, viens habiter chez nous, tu seras plus en sécurité à la maison et tu seras comme un membre de la famille ». À un moment donné, on disait même que j’étais la fille,

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