Comment identifier et partager 

les connaissances paysannes ?

Un défi de taille autour duquel ont échangé plus de 100 participants
 réunis à Koubri (Burkina Faso), dans le cadre du 
Forum de Partage de Connaissances Paysannes. 

Inter-réseaux vous fait le récit de cette rencontre organisée par le ROPPA
 du 19 au 21 janvier 2022.

Un forum pour « faire vivre » les connaissances paysannes

Sous la paillotte, les murmures se sont tus. On écoute religieusement le récit de M. Sawadogo, leader paysan de la SCOOPS Waog-taaba. Son organisation rassemble les producteurs de niébé de la commune de Ziga, au Burkina Faso. Elle a récemment muté vers le statut de société coopérative, comme l’exige désormais l’acte uniforme de l’OHADA (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires). Le chemin a été long : pendant plus d’un an, il a fallu former les producteurs membres aux principes et fonctionnement des sociétés coopératives, s’organiser et obtenir un consensus sur la révision des statuts de l’organisation.

La capitalisation est un outil pour la mise à l'échelle et pour influencer les politiques

Le récit de M. Sawadogo fait partie des 30 initiatives présentées à l’occasion du Forum de Partage de Connaissances Paysannes, organisé à Koubri du 19 au 21 janvier 2022, par le ROPPA (Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest). Dix de ces initiatives ont été capitalisées dans le cadre de « GoIn », un projet qui appuie la gouvernance inclusive des filières niébé, lait, et produits forestiers non-ligneux au Burkina Faso. « La capitalisation est un outil pour stimuler la mise à l’échelle et un outil de dialogue avec les Etats pour influencer les politiques » commente Jean-Sibiri Zoundi (Directeur adjoint du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest de l’OCDE), qui participe en ligne à cette rencontre. 

Mais il ne suffit pas de documenter les initiatives paysannes. Encore faut-il les diffuser pour qu’elles soient utiles à d’autres acteurs et inspirent des politiques visant à assurer la sécurité alimentaire. C’est l’ambition de ce Forum.

Les 107 participants (leaders et techniciens d’organisations paysannes, partenaires techniques et financiers, enseignants, représentants du Ministère et élus locaux) sont venus de six pays d’Afrique de l’Ouest. Ils déambulent dans les allées de la « foire aux savoirs » à la rencontre des porteurs d’expériences, témoins vivants de ces connaissances paysannes. Le caméraman nous suit à la trace pour capter des bribes d’échanges qu’il pourra diffuser, au plus grand nombre, sur les réseaux sociaux.

Les procédures de marchés institutionnels encore inadaptées aux acteurs locaux

De retour en salle, les têtes s’échauffent à la recherche de solutions. Comment mettre à l’échelle ces expériences ? Comment les pérenniser ? Les débats sont parfois vifs, comme lorsqu’il est question de l’approvisionnement des cantines scolaires qui font venir les enfants sur les bancs de l’école. Un parent d’élève de la commune de Douna nous alerte : les quantités de repas servis ne cessent de diminuer alors même que les effectifs augmentent. Interpelé, le maire explique que, si les communes sont la courroie de transmission pour livrer les vivres aux écoles, leur capacité d’achat est limitée par les ressources allouées. Sita Hie est Secrétaire de l’Union Départementale des Étuveuses de Riz de Douna. Elle regrette que les procédures de marché institutionnel soient inadaptées aux producteurs locaux. Ne pouvant pas fournir directement l’ensemble des produits du lot requis (riz, niébé, huile), les étuveuses doivent passer par des commerçants. Le comité de rapportage promet d’en tenir compte dans ses recommandations.

Les TIC, des pistes de solution dans le contexte d'insécurité au Sahel

Ce Forum est une première étape de partage des connaissances. Il faudra poursuivre les efforts pour les diffuser largement, en particulier aux premiers concernés, les producteurs. Pour Agathe Guissou (Représentante de Fert au Burkina Faso), les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont des pistes de solutions dans le contexte d’insécurité actuel au Sahel. A ses côtés, le producteur relai de la SCOOPS Sougri-Nso-Zama a fait le trajet depuis Pissila pour témoigner. Équipé d’un smartphone et formé aux TIC, il peut désormais demander des conseils à distance au technicien de Fert qui accompagne sa coopérative. A travers le groupe Whatsapp, il est en réseau avec d’autres producteurs relais pour partager des expériences et des astuces.

L'important est d'adapter les supports d'information aux besoins des utilisateurs

Capitalisations, communautés de pratiques, relai d’information via les agents techniques d’encadrement… Les représentants du ROPPA, de l’APESS, du FIDA et du Ministère de l’agriculture ont exposé leurs différents outils d’identification et de diffusion des pratiques paysannes endogènes. Si un point les met tous d’accord, c’est bien la nécessité de passer par les pairs. Ici, on le sait, le savoir est un trésor qui suppose un climat de confiance pour être partagé. Pour Caroline Ouedraogo (Responsable gestion des savoirs et communication des projets du portefeuille FIDA au Burkina Faso) l’important est aussi d’adapter les supports d’information aux besoins des utilisateurs.

Vendredi, le jour s’étire et le Forum touche à sa fin. Chacun rentre chez soi avec quelques trésors glanés au cours de ces journées d’échange. Des stratégies communes de valorisation restent encore à bâtir pour améliorer l’impact de ces connaissances.

Récit mis en voix par Marie Hur, Inter-réseaux Développement rural.

Mis en ligne le 15 février 2022